Petit avertissement d'usage : l'article qui suit est très technique. Il ennuiera sans doute, par conséquent, la plupart de nos lecteurs... à l'exception des autoconstructeurs du futur, à qui il s'adresse tout particulièrement.
Dans tout projet de construction, le choix de l'isolant est une question importante. La décision, dans notre cas, n'a pas été facile à prendre. La
nature particulière de notre construction exigeait en effet une réflexion plus
approfondie. Le choix était d'autant plus déchirant que les experts que nous avons consultés, virtuellement surtout, se contredisent : ce que les
uns recommandent mènera notre maison à sa perte selon les autres, et
vice-versa. Georges et moi avons donc eu de très nombreux échanges sur le sujet au cours de la dernière année.
La première décision que nous avons prise a été d'isoler notre maison de l'extérieur. Celle-là n'a heureusement soulevé aucun débat : nous étions tous les deux convaincus. Il arrive parfois que des gens choisissent d'isoler une maison en pièce-sur-pièce ancestrale par l'intérieur, laissant les pièces visibles de l'extérieur. Il s'agit pourtant, selon les spécialistes (Michel et André Bolduc, auteur de quelques livres consacrés au sujet), d'une bien mauvaise idée. Les charpentes en pièce-sur-pièce n'étaient pas conçues, en effet, pour être exposées aux éléments. Malgré le mortier avec lequel on comble leurs interstices, il n'est pas exclu que l'eau de pluie s'y infiltre. Et c'est alors la catastrophe! Cette décision, par ailleurs, est anachronique! Personne, au siècle dernier, n'aurait songé à laisser sa charpente visible! Selon Michel, il s'agit de rien de moins qu'un «trip de hippie qui écoute du Paul Piché dans les années 70». En ce qui nous concerne, nous ne trouvons pas ça très joli, voilà tout!
Une fois que nous avons décidé d'isoler de l'extérieur, il nous a fallu déterminer avec quel isolant nous allions le faire. Et c'est là que notre tête a eu envie d'exploser!
Pour commencer, nous avons envisagé à peu près toutes les options. Nous cherchions une solution écologique et peu onéreuse. Notre premier défi à été de réunir ces deux critères. Le deuxième, encore plus complexe, a été de choisir notre camp dans ce grand débat qui opposent les experts.
Sur le service d'assistance technique
La Ruche, la plupart des conseillers suggèrent d'utiliser un isolant «qui respire». Samuel Pépin-Guay, de
Linéaire Design (une compagnie qui se spécialise en éco-construction et en charpente en bois massif, affiliée à la
Matériauthèque à laquelle nous avons envisagé un instant acheter notre charpente), affirme que l'uréthane giclé est «un non-sens pour les maisons ancestrales récupérées». Comme «le bois a la capacité d'absorber et de relâcher l'humidité de l'air, il est primordial de poser un isolant qui n'emprisonnera pas l'humidité dans les murs.» Il ajoute : «Les panneaux de polyuréthane avec
foil d'aluminium posés à l'extérieur des murs [i.e. nos cœurs de porte] est une technique à proscrire pour les maison en pièces. La raison est simple, les murs en bois laissent migrer l'humidité de la maison de l'intérieur vers l'extérieur et lorsque cette humidité se butera au
foil d'aluminium, elle restera emprisonnée entre l'isolant et les murs de bois et créera rapidement de grave problèmes de moisissures et de condensation.»
Dans la même équipe, on trouve Étienne Ricard, qui ajoute cependant un bémol à cette théorie. S'il préconise lui aussi les isolants qui respirent (il a isolé sa maison avec de la cellulose), il croit cependant qu'il est possible d'y ajouter un pare-vapeur à la condition que celui-ci soit continu et parfaitement étanche et que l'isolation soit très performante. Cela permettrait d'éviter que le point de rosée se situe dans le mur.
Dans l'autre camp se trouve notre cher Michel! Ce dernier favorise l'uréthane giclé (un isolant qui ne respire pas pantoute!) dans toutes ses entreprises. Cette solution permet, entre autres avantages, de redresser le carré de pièces. Michel est un expert, cela ne fait aucun doute. Non seulement a-t-il démonté et rebâti de ses mains plusieurs ancestrales en pièce sur pièce, mais il en a restauré à peu près autant. Or son avis va à l'encontre de ce qu'on peut lire sur La Ruche. Entre ces deux versions, il nous a donc fallu faire un choix.
Dans la première proposition, j'adore le fait que la maison ne soit pas étanche. L'image de cette maison qui «respire» est plutôt jolie, vous ne trouvez pas? Les isolants de cette catégorie sont par ailleurs bien plus naturels que l'uréthane... qui ne l'est aucunement! L'on y retrouve : l'isoclad, la laine de roche ou de chanvre, la cellulose. Aucun de ces choix n'allait cependant de soi. Chacun d'eux posait problème. L'isolation en laine de chanvre est tout simplement hors de prix. Pour cumuler un facteur R intéressant, l'isoclad aurait nécessité trop de couches, ce qui aurait donné une drôle d'allure à notre maison. Afin de poser de la laine de roche, il aurait fallu construire une structure en 2x4 ce qui, selon Georges, n'aurait pas été efficace, ce genre de structures causant des ponts thermiques.
J'ai donc longtemps eu une préférence
marquée pour la cellulose giclée ou soufflée, qui est faite de papier journal recyclé. Étienne Ricard, avec qui nous avons suivi une formation, nous a d'ailleurs très bien vendu son choix. Cet isolant, en tant que tel, ne coûte à
peu près rien, c'est même l'un des moins dispendieux sur le marché! Or, comme nous souhaitions isoler de l'extérieur, il aurait fallu construire tout une charpente... ce
qui nous aurait coûté très cher, au final, en plus de modifier les dimensions de notre maison. La cellulose aurait épaissi nos murs ; notre maison aurait donc été plus large que ses fondations, ce que l'on ne trouvait pas très esthétique. Les ouvertures des fenêtres aurait par ailleurs été beaucoup plus profondes, ce qui aurait empêcher la lumière de pénétrer aussi directement dans la maison.
Georges, lui, favorisait une combinaison de cœurs de porte et d'uréthane giclé pour au moins trois raisons : c'était, de loin, la solution la plus économique, c'était l'option privilégiée par Michel en qui nous avions pleinement confiance et c'était l'isolant qui proposait le meilleur facteur R au pouce (et donc le moins épais, au final).
De toutes les décisions que nous avons eu à prendre depuis le début du projet, celle-ci est la seule sur laquelle nous ne nous sommes pas entendus d'emblée. Nous tenions chacun à notre point. Comme vous le savez déjà, c'est Georges qui l'a emporté!
J'aurais aimé que notre maison soit entièrement saine. Or l'uréthane, comme tout isolant d'origine pétrochimique,
relâche un certain nombre de composés néfastes dans l'air.
Il n'existe pas d'études à long terme qui permet de mesurer l'impact de ces derniers. Il est vrai cependant, comme Georges aime bien me le rappeler, que nous serons loin de
l'uréthane, giclé ou contenu dans les coeurs de porte. Nous séparerons de cette mousse d'un jaune douteux : des fondations
de béton (au sous-sol), 5 pouces de bois, un mortier naturel et un polythène étanche (au
rez-de-chaussée), un pouce de bois, une couche de papier kraft et un
polythène étanche (sur le toit).
Je me console en me disant que même Benoît Lavigueur, de
Belvedair, affirme que bien que l'uréthane ne soit pas une solution
écologique,
son utilisation est parfois nécessaire. Il serait faux de prétendre que l'uréthane est écologique, mais elle présente tout de même quelques avantages. L'uréthane giclée crée une enveloppe performante et permet par conséquent de réduire considérablement notre consommation énergétique liée au chauffage. Sa production permet de récupérer 41 millions de bouteille de plastiques chaque année, au Québec. Et les cœurs de porte sont des matériaux récupérés.
Je rêvais d'une maison sans plastique, sans trucs artificiels. J'aurai gagné ma cause en tout point sauf sur celui-ci!